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     Ma naissance - Ma Famille

    Malheurs de mon père - Mort de ma mère

     

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      Je suis né le 17 octobre 1835 dans un petit village de la Gâtine appelé Moulin-Poussard, commune de Saint-Pardoux, arrondissement de Parthenay, département des Deux-Sèvres.

     

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    Acte de naissance de Jean Baptiste GERBIER, Source: État-civil,  Archives Mairie de Saint-Pardoux (Deux-Sèvres)

     

    Mon père se maria avec une fille qui était domestique avec lui. Après s’être marié, fatigué de servir les autres, il voulut travailler à son compte. Il loua une petite ferme composée de plusieurs morceaux de terre ; mais n’ayant pas de quoi s’occuper il résolut de faire un autre métier pour occuper le reste de son temps, il prit celui de coquassier(*), il achetait dans la campagne tout ce qui concernait son état et allait le vendre à la ville. Il acheta donc une voiture et deux chevaux pour se monter, mais la ferme ne fournissait pas assez de nourriture pour tout le bétail, il perdit le peu d’argent qu’il avait gagné, il surchargeait pour tâcher de gagner le plus possible, mes ses efforts étaient inutiles, ses chevaux n’étant pas nourris ils tombaient sur la paille et il fallait de l’argent pour en acheter d’autres, il fut bientôt pris de tous côtés.

     

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    Saint-Pardoux (Deux-Sèvres), La Place, Photo © Alain Laplace 2009

     

    > MÉMOIRES / LIVRET I - CHAPITRE I

     

    Onze années passèrent dans cette misérable vie, quand il fallut tout vendre, il n’avait pas assez pour payer ses dettes. Il résolut de quitter ce triste pays, il trouva une place de jardinier chez un riche propriétaire à six lieues plus loin, il ne manqua pas de la prendre.

    Le 25 mai 1846, mon père part prendre son service et laisse ma mère avec trois enfants : mon frère âgé de douze ans, moi âgé de neuf ans et une soeur âgée de six ans, nous ne tardâmes pas d’aller rejoindre notre père. Le 24 juin 1846, mon père vient avec deux voitures pour nous chercher, ma mère quitte le pays avec regrets mais moi je n’en ai pas du tout, quoique encore jeune je pense que ma vie n’aurait jamais été bonne dans ce pays. On chargea le ménage dans les voitures et puis nous partîmes. Je regardais de tous côtés, j’admirais ces belles plaines et je pensais déjà au voyage. Je me disais qu’il doit y avoir de belles contrées en France. Nous arrivons enfin à l’endroit désigné, je ne tardais pas à faire la connaissance de quelques petits garçons du pays et je m’accoutumais bien à la nourriture car l’on mangeait du pain de froment et l’on buvait du vin et dans mon ancien pays je buvais de l’eau et je mangeais du pain de sarrasin. Ma soeur et moi on nous mit chez l’instituteur de la commune et mon frère, domestique chez le fermier du maître de mon père.

     

    (*) Coquassier ou cocassier : Région. (Charente, Touraine). Marchand de beurre, œufs, volailles.

     

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    Après quelques jours d’arrivée dans ce pays, notre mère tomba malade sans pouvoir nous faire à manger, notre père venait la nuit faire notre cuisine ; comme notre demeure était un peu loin c’était très fatiguant pour lui de venir tous les soirs. Il résolut de louer une autre maison plus proche de manière à pouvoir mieux veiller sur notre conduite. Mon frère tomba malade aussi et voila une nouvelle peine, notre pauvre mère dans son lit sans pouvoir se lever. Moi je faisais le ménage et j’allais chercher dans la vigne des raisins pour notre mère. Mon frère fut bientôt guéri, il voulut reprendre son service mais pendant sa maladie, le fermier en avait pris un autre, il se livra donc à casser des pierres sur la route. Moi je négligeais mes classes pour avoir soin de notre mère. Deux ans se passèrent dans cette misère. Un jour je trouve notre mère plus mal que d’habitude, je cours chercher notre père, quand il fut arrivé elle se trouvait mieux, quelques temps après notre père se retire et comme j’étais seul avec elle, elle me parle ainsi « Mon cher fils Jean, je vais mourir sous peu, donne moi des draps que je choisisse celui qui sera mon suaire… ».

    A ces mots, moi je pleure en disant : « Ma chère maman vous n’allez pas mourir ». Je la regarde en prenant le drap qu’elle avait choisi, je vois ses yeux baisser, sa bouche ouverte sans pouvoir parler, à l’instant elle tombe comme morte, je m’écrie d’une voix perçante « Accourez ma mère est morte !... ». La maison fut bientôt remplie de voisins, mon père arrive, quel triste spectacle, la malheureuse ne revient plus, elle était morte...

    Jugez maintenant qu’elle était la peine de chacun de nous. Mon père nous mit mon frère et moi chez une bonne femme. Ma soeur fut placée chez un boucher de l’endroit, elle était mieux que nous dans notre pension. La maîtresse de pension à mon frère et à moi aimait beaucoup visiter sa voisine, elle partait dès le matin et ne revenait que le soir, sans s’occuper si nous avions de quoi passer notre journée. Quand il faisait beau temps nous nous promenions d’un côté de l’autre. Mais il ne faisait pas toujours beau car c’était dans l’hiver, il tombait de l’eau, de la neige, il nous restait qu’un mauvais hangar qui pleuvait comme dehors. Mon père voyait de son jardin toutes les peines de ses enfants, il pleurait le malheureux. Mais son salaire ne suffisait pas pour payer une meilleure pension. La bonne femme nous faisait coucher dès le soleil couché, elle ne nous tenait conversation que pour nous gronder, elle allait porter à notre père des plaintes de nous. Mais, lui qui savait bien ce qui se passait n’en faisait pas cas, il cherchait le moyen de nous tirer de cette tanière. Il ne fut pas longtemps à le trouver. Un jour il vient chez la bonne femme, il prend notre lit, il l’emporte chez une vieille fille qui tenait une auberge avec son vieux père. Moi j’avais mon paquet sur mon dos, composé de ma garde-robe qui consistait en quatre chemises, deux mouchoirs, deux pantalons. Mon frère aidait à porter le lit. En arrivant je jette mon paquet sur la table en disant « Voila notre paquet !... ». La vieille fille le visita, elle fut surprise de voir une pareille garde-robe. 

    Mon père retourna à son service. Nous voila seuls avec notre vieille maîtresse de pension. Quelques temps après notre soeur vient nous rejoindre, nous nous trouvions heureux dans ce nouveau pensionnat.

    Un jour, Monsieur Décolard(*) dit à mon père de porter chez lui son ménage, qu’il le lui logerait. C’est ce que mon père fit. Le voila tranquille, sorti des ses plus grandes peines, nous étions très bien. Je repris mes classes avec ma soeur, à nos heures de récréation je travaillais à son jardin. J’apprenais très bien, l’instituteur était content de moi mais ma soeur plus méchante que moi elle était souvent punie de pain sec. Un jour qu’elle était en retenue le régent me dit « Tu apporteras du pain sec à ta soeur !... ». Je lui emporte ainsi mais c’était du pain blanc beurré.

     

    (*) François Eugène Luc des COLLARDS DES HÔMES (1759-1864) x Thècle Nathalie de GRIMOÜARD, Château d’Épannes, Maire d’Épannes.

     

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    Épannes (Deux-Sèvres), Carrefour de la Croix, Carte Postale vers 1900

     

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