• > MÉMOIRES / LIVRET II / CHAPITRE IX

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    …Le 10 août 1857 à trois heures, je me dispose à partir pour Rennes.

    Je marche d’un pas décidé comme un soldat qui rentre au toit paternel...

     

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     Représentation schématique du cheminement emprunté par Jean Baptiste

     

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     Armoiries

     Rennes (Ille-et-Vilaine) - La Gare, carte postale vers 1900


    Voyage en Bretagne – Passage à Rennes

    Halte à Erbrée – Visite à Laval

    Diverses aventures

     

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     En cliquant sur les documents, vous obtiendrez une image agrandie 

    Le 10 août 1857 à trois heures du soir, je me dispose à partir pour Rennes. Je marche d’un pas décidé comme un soldat qui rentre au toit paternel avec 19 francs dans la poche. J’avais à peu près fait trois lieues, la soif se fit sentir. Je rentre donc me rafraîchir, 2 sous de pain, un demi litre de vin, voilà mon diner. Jugez si je devais craindre l’indigestion… Sortant de là, à peu près à cent mètres du bourg, j’aperçois sur ma gauche une avenue qui communiquait à un château. L’entrée de cette avenue était close par une barrière formée par la mâchoire d’un animal dont je ne peux vous dire le nom, mais ce qu’il y a de sûr c’est que cette mâchoire à plus de quatre mètres de long, armée de deux rangs de dents. Les plus près du cerveau ont douze centimètres de longueur et celles du mufle trois centimètres. Les deux mâchoires forment le faisceau. Les deux piliers, ce sont des côtes sur lesquelles son ajustées des mâchoires où peuvent passer des voitures de première classe sans se heurter à la voûte. Aussi, je laisse au lecteur à deviner quel peut être cet animal….

    Je continue ma route. De tous côtés, je découvre des sites peu remarquables. Ce n’était que des bois de tous côtés. La nuit me surprit dans cette traversée. Je force le pas et j’arrive à une auberge où je demande à loger. Je fus reçu. Je me couche. Le lendemain à bonne heure je repris ma route. Cette journée me donna plus de remarques que le jour précédent. De tous côtés, des plaines couvertes de sarazin, de fleurs. Plus loin, des côtes désertes, pas un seul arbre que des petites bruyères fleuries. Je puis vous dire que ce pays quoique désert, attire le regard du voyageur. Des petites cabanes de bretons, couvertes en chaume, construites en bois et plaques de terre glaise. Des jeunes filles et femmes occupées à filer le chanvre. Les hommes occupés à battre le grain. Les vieux occupés à garder les moutons et à faire paître leurs chevaux et vaches.

      

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    Enfin, je prenais note de tout cela, je voyais tout à la fois. Les occupations de ces braves paysans, tous simples, chacun sa besogne. Je vis aussi une femme s’approcher d’un parc où paissaient plusieurs chèvres. A sa parole, toutes ces pauvres bêtes arrivent faire tirer leur lait et après cette observation, elles furent reprendre leurs positions.

     

    Oh… Braves campagnards je m’écrie à chaque instant… Que vous avez du mérite… Et cependant les habitants de nos villes vous foulent au pied. Que feraient-ils sans le secours de votre main laborieuse ?... Que feraient-ils avec leurs industries si vous ne leur donniez des subsistances ?... Serait-ce avec leurs belles toilettes, leurs belles manières de parler qu’ils pourraient vivre ?... Oh non, vous êtes la première nécessité, le premier état… Vous pouvez vous seuls vous passer des autres et les autres ne peuvent se passer de vous… Votre charrue est plus honorable que la couronne d’un roi et cependant vous mangez le son et eux la fleur…

     

    Rappelez-vous de ces proverbes aussi justes :

     

    -       Ce n’est pas le cheval qui gagne l’avoine qu'il mange.

    -       Ce n’est pas celui qui travaille le plus qui vit le mieux.

    -       Il ne s’agit pas de se lever le matin, il faut arriver à l’heure.

    -       L’industrie fait le bien des uns et le mal des autres.

    -       L’agneau, malgré les cris de sa mère, devient la proie des loups.

    -       Le chien en faisant son service de son mieux reçoit des coups de bâton.

    -       Le cheval contre sa volonté est obligé de marcher.

    -       La chèvre nourrit nos enfants et nous lui passons le couteau dans la gorge.

     

    Je pourrais tirer mille proverbes sur l’avenir des campagnards, mais ici je m’arrête.

    Je vais donc continuer ma route jusqu’à Rennes.

    Ce jour là, je couchais à l’hôtel des Trois Marchands, dans un petit endroit appelé Bain à 7 lieues de Rennes est 2 jours de Nantes. J’avais donc 7 lieues à faire le lendemain. Dès le matin je me mis en route est à cinq heures j’arrive à Rennes. Je ne donnerais pas le détail sur ce jour car il n’a rien de plus que le jour précédent. Les campagnes sont les mêmes.

    Arrivé à Rennes, je parcoure la rue dans laquelle j’étais tombé et comme je n’avais rien pris depuis midi, je me suis arrêté dans un cabaret où je me fis servir une tasse de cidre. L’hôtesse me demanda si je voulais une galette. «  Une galette Madame ?... Qu’appelez-vous une galette ?... C’est, me dit-elle en me montrant des ouvriers, ce que ces messieurs mangent… ». En effet, je jette un regard du côté. Je vois des ouvriers tenant à la main une espèce de crêpe noire comme du charbon qui faisait le tour d’un morceau de lard qui, à l’approche de leurs dents écumait des deux côtés de la bouche. En voyant cela, je dis à l’hôtesse « Je vous remercie de votre galette… Donnez-moi plutôt une livre de pain avec deux saucisses… Cela fera mieux mon affaire… ». Un ouvrier qui se trouvait à côté de moi s’explique ainsi « Je vois que vous n’êtes pas du pays… Non, j’arrive ce soir… Vous venez pour travailler ?... Oui s’il y a moyen… Quelle profession êtes-vous ?... Je suis jardinier et je vous demande si vous ne connaissez pas ici un nommé Gaillard horticulteur… Mon cher, vous n’êtes pas écarté, ici à deux pas vous trouverez son établissement. Voulez-vous que je vous y conduise ?... Non merci, trop honnête, je vais bien trouver seul… ».

    Je fus donc tout droit chez Monsieur Gaillard. Je lui remis la lettre d’avis qui m’avait été confiée. Il lit et voici sa réponse « Je suis très fâché de ne pouvoir vous donner du travail, vous tombez dans une très mauvaise saison… Je le sais bien que la saison n’est pas bonne mais d’où je viens il me fallait partir et maintenant il me faut chercher. Dites-moi s’il vous plaît l’adresse des horticulteurs de cette ville… Très volontiers mais nous sommes que trois qui occupons des ouvriers et les autres se sont des petits jardiniers qui paient les ouvriers des prix très minimes qu’à peine ils peuvent vivre. Mais je vais vous faire conduire chez Monsieur Jacques et demain vous pourrez voir chez  Lenseseur. Si ces deux là ne vous donnent pas du travail, croyez-moi, n’allez pas chez les autres car vous perdrez votre temps. Allez plutôt à Caen… ».

     

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    Je le remercie de ses conseils et prends son apprenti avec moi, qui me conduit chez Monsieur Jacques. Je m’adresse à lui en lui demandant du travail. Sa réponse ne fut pas plus à mon avantage que celle de Monsieur Gaillard. Tout en lui demandant du travail, mes yeux voltigeaient dans le parcours de son établissement. Monsieur Jacques voyant mon désir me dit «  Promenez-vous et vous verrez ce que c’est que ça… Très volontiers je lui dis, car dans ma position de voyageur, la vue est beaucoup pour moi… ». Je pris donc une simple visite dans son établissement et pris mon baluchon que j’avais déposé dans son bureau et je m’occupais à chercher un gîte pour passer la nuit. Je me dirige sur la route de Fougères. Là, je m’adresse à un hôtel où je fus reçu. Je pris un verre de cidre. En attendant que la bonne prépare ma chambre et pendant ce peu de temps, il rentre des bretons qui se mirent à chanter que je n’y comprenais rien. Je ris seul de cette manière de chanter que moi seul ne comprenait pas. Je fus rejoindre ma chambre au son de leur musique.

    ACCUEILLe lendemain je fus rendre visite à Lenseseur en lui demandant du travail, mais comme les autres, il ne put m’occuper. Je lui demande permission de visiter son établissement. Il me permit avec beaucoup d’honnêteté. Après cette visite, je lui fis compliment de sa culture et l’ayant salué, je me retire, réfléchissant  de quel côté poursuivre ma route. Enfin je me décide de prendre la direction de Laval passant par Fougères. Je fus donc faire viser mon livret pour cette dernière. Après cela, je me base à visiter ce qu’il y avait de plus remarquable dans cette ville.


    Je vis premièrement la place du Palais de Justice où se trouvent l’Hôtel de Ville, le bureau de police. Le Palais lui-même, rare par sa beauté, est enrichi de sculptures et de bustes. À l’entrée se trouvent quatre juges, superbes statues; l’un écrit, l’autre prononce le jugement et l’autre lit la condamnation. Plus loin je tombe sur des promenades à côté du jardin public et là j’aperçois en bas d’une petite place, deux statues, l’une montée sur une colonne et l’autre sur un mur. Je m’applique à regarder ces deux monuments sans en connaître plus. Il passe un homme que je questionne. Voici sa réponse « Celui qui est monté sur cette colonne, c’est en l’honneur d’Armand Papu(*), mort pour la liberté de juillet 1830 et l’autre c’est Bertrand Duguesclin, ce fameux guerrier qui existait du temps de Charles V. Il fut fait prisonnier deux fois et il chassa les anglais de la Bretagne. Il est mort à l’âge de soixante treize ans, l’épée de connétable à la main, que lui avait donnée Charles V. En mourant il dit : Remettez-la au Roi, il saura bien la donner au plus digne… ».

    Je remercie le brave homme et poursuis ma promenade dans les rues principales parmi quatre qui surpassent les autres. Elles sont droites, tirées au cordeau, les maisons toutes de la même hauteur, bâties par l’Etat. Aussi voila pour toute description de Rennes.

     

    (*) Afin de commémorer la mort des deux étudiants polytechniciens nés à Rennes, Vanneau et Papu, lors des journées révolutionnaires de juillet 1830, la ville décide l'édification d'un ' monument patriotique '. Millardet, chargé de cette réalisation, propose d'ériger une colonne pour partie cannelée en calcaire, confortée par une double base en granit et en tuffeau. À son sommet, est posée une statue représentant une femme munie d'une lance et de la charte rappelant le nouveau régime politique. Des têtes de sphinx à guirlandes, un cartouche doté de palmes et couronnes, une inscription sur métal ' Vanneau-Papu morts pour la liberté juillet 1830; rinceaux et palmettes complètent le décor. Le monument est établi à l'extrémité du carré Du Guesclin, bordé à l'est par un muret en demi-lune de schiste pourpre à parapet de granit.

    Source : fr.topic-topos.com/colonne-vanneau-papu-rennes

     

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    Le lendemain à onze heures du matin, je me suis mis en route pour Fougères. Il faisait une chaleur excessive. A tous moments la soif se faisait sentir et pas trop d’argent dans la poche. Je buvais un demi-litre  de temps en temps. Enfin la journée se passe. Le soleil se couchait. J’arrive à Saint-Aubin, petit bourg sur une hauteur qui fut ruiné par les guerres des anglais. On y remarque encore des vieilles tours qui attestent sa grandeur passée. Je couche donc dans ce petit bourg à « l’Hôtel de la Tête Noire ».

    Il y avait à peu près dix minutes que j’étais rentré quand deux gendarmes rentrent. Ils demandent à l’hôtesse si elle n’avait pas d’étrangers. « Si Messieurs dit-elle en me montrant ». Ceux-ci viennent à moi, me regardent sous le nez. «  Vous êtes voyageur disent-ils ?... Oui Messieurs… Vous avez des papiers ?... Oui, les voici … ». Ils regardent et me les remettent de suite en disant «  Ah diable, vous avez beaucoup voyagé… Mais oui, et je voyage encore, et je ne sais quand je m’arrêterai… Vous êtes décidé comme cela pour le voyage ?... Oui, un voyageur comme moi passe partout la tête levée devant les fonctionnaires publics comme devant les artisans… ». Les nigauds ne surent que me répondre. Je fus me coucher là-dessus.

    Le lendemain, je marche sur Fougères qui se trouvait à quatre lieues de là et j’étais à huit de Rennes. À dix heures, j’arrive à Fougères et arrivé là je demande les adresses des jardiniers. On m’indique Monsieur Goussieux comme étant le plus fort de l’endroit. Je fus donc lui demander du travail et il me reçut très bien. Il me fit rentrer chez lui et m’engageât à prendre un verre de cidre avec lui. L’ayant accepté, nous nous mîmes à parler sur le sort des voyageurs et d’autres choses qui regardaient notre art. Après cela il me promena dans sa culture. Il me montrait bien des choses qu’il trouvait difficiles pour lui à faire et moi je crois que je les aurais faites en fermant les yeux. Je pris un rameau, comme pour lever un écusson. Il me regardait et puis il me dit «  Ce n’est pas comme cela que je fais moi… Oui je lui dis, voyant votre manière de faire… ». Il prit à son tour un rameau et leva un écusson que je pris et lui dis «  De cette manière là, vous devez manquer la moitié de vos greffes… Ah!… Dit-il, oui je manque, mais au printemps je les reprends… Ah !... C’est une belle avance que vous faites là, faites donc plutôt comme moi et vous gagnerez un an… ». Le brave me promit de le faire et, ne pouvant pas m’occuper, il me donna une adresse chez un de ses amis où je serai presque sûr de travailler.

    C’était à cinq lieues plus loin. Je me voyais tout le temps possible de m’y rendre le soir. Je fis viser mon livret pour Laval et je me mis en route. J’arrive à la nuit à Ernée. Tel était le nom de l’endroit. Arrivé, je demande le cultivateur indiqué. Monsieur Bonneau était son nom. Me voila bientôt chez lui. Je m’explique comme voyageur et venant de la part de Monsieur Goussieux. Il me pria de m’asseoir et de manger avec lui. Il me dit qu’il pouvait me prendre que pour peu de temps, mais enfin qu’il m’occupera. «  Nous verrons plus tard dit-il… ». Le diner fini, il me demanda si j’avais un endroit pour loger ce soir. Non fut ma réponse. Un de ses ouvriers qui se trouvait présent s’étant expliqué avec Monsieur Bonneau, me dit « Suivez-moi, nous allons vous chercher un logement… ». Je le suis sans résistance après avoir salué Monsieur Bonneau qui me dit « A demain… ». Me voila parti avec mon guide ; a deux pas de là, nous rentrons chez un petit locataire qui tenait garni. Je m’explique, il me reçut. Après un instant de conversation, mon guide redoubla sa route et moi, je fus me coucher.

    Le lendemain, Monsieur Bonneau envoie le même ouvrier m’inviter d’aller lui rendre visite. Je ne refuse pas cette invitation. Une heure après, j’étais chez Monsieur Bonneau. De suite il m’invita à prendre un café avec lui et nous fûmes pour cela à deux pas de sa maison dans un café. Nous voila tous les deux, Monsieur Bonneau me parle ainsi «  Comment se fait-il que vous passez par ici ?... Pourquoi me demandez-vous cela ?... Parce que je vous crois égaré de votre vraie route… Non, pas du tout, je suis la route que je me suis désignée en partant de Nantes… Je suis surpris de voir un voyageur comme vous passer dans un pays aussi minime pour notre profession… Cela ne me fait rien à moi, je veux passer où les autres ne passent pas. Je veux me rendre compte de toutes les parties de la France…

      

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    Comme cela vous ne tenez pas à gagner… Je tiens à gagner ce que l’on gagne mais pas par intérêt je vous assure car je voyage plutôt par plaisir que pour autre chose... ». Nous finissons cette conversation. Monsieur Bonneau me ramène chez lui. Il m’invita de nouveau à manger et boire et puis dans tout ceci, la journée se passa. 

    Le lendemain je fus à cinq heures à l’ouvrage. Un nouvel ouvrier que je n’avais pas encore vu  arrive et cet ouvrier avait voyagé aussi mais que pour Paris. Il me confia qu’il avait assez voyagé. Cela fit que la journée se passa sans que je m’en aperçoive. Je ne détaillerais pas les jours suivants car les lecteurs doivent juger de la suite. Huit jours se passent. Je me mis en devoir de faire venir ma malle qui était restée à Nantes, et pour cela j’adresse une lettre à mon élève. Huit jours et rien ne se passait, ni réponse ni malle. J’adresse une seconde lettre à Monsieur Caillié car je pensais que mon élève pouvait être parti de Nantes.

    Au bout de quatre jours je reçois réponse et malle et une lettre de Monsieur Caillié que voici : 

    Monsieur, 

    Je suis bien fâché du retard que vous avez eu de ne pas recevoir votre….

     

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    FIN DU LIVRET II

    Ici se termine le livret II auquel  il manque malheureusement quelques pages

    dont nous ne connaîtrons  jamais le contenu…

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